Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/58

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cordes graves des altos, des violoncelles et des contre-basses, nuancés d’un piano simple, pour être répétés bientôt après dans un pianissimo plein de mélancolie et de mystère ; de là ils passent aux seconds violons, pendant que les violoncelles chantent une sorte de lamentation dans le mode mineur ; la phrase rhythmique s’élevant toujours d’octave en octave, arrive aux premiers violons, qui, par un crescendo, la transmettent aux instruments à vent dans le haut de l’orchestre, où elle éclate alors dans toute sa force. Là-dessus la mélodieuse plainte, émise avec plus d’énergie, prend le caractère d’un gémissement convulsif ; des rhythmes inconciliables s’agitent péniblement les uns contre les autres ; ce sont des pleurs, des sanglots, des supplications ; c’est l’expression d’une douleur sans bornes, d’une souffrance dévorante… Mais une lueur d’espoir vient de naître : à ces accents déchirants succède une vaporeuse mélodie, pure, simple, douce, triste et résignée comme la patience souriant à la douleur. Les basses seules continuent leur inexorable rhythme sous cet arc-en-ciel mélodieux ; c’est, pour emprunter encore une citation à la poésie anglaise,

« One fatal remembrance, one sorrow, that throws
Its black shade alike o’er our joys and our woes. »

Après quelques alternatives semblables d’angoisse et de résignation, l’orchestre, comme fatigué d’une si pénible lutte, ne fait plus entendre que des débris de la phrase principale ; il s’éteint affaissé. Les flûtes et les hautbois reprennent le thème d’une voix mourante, mais la force leur manque pour l’achever ; ce sont les violons qui la terminent par quelques notes de pizzicato à peine perceptibles ; après quoi, se ranimant tout à coup comme la flamme d’une lampe qui va s’éteindre, les instruments à vent exhalent un profond soupir sur une harmonie indécise et… le reste est silence. Cette exclamation plaintive, par laquelle l’andante commence et finit, est produite par un accord (celui de sixte et quarte) qui tend toujours à se résou-