Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/75

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compagnement de piano ; un cahier de cantiques à une voix et à plusieurs voix ; une cantate ou scène lyrique avec orchestre ; des chœurs avec orchestre sur différentes poésies allemandes, deux volumes d’études sur l’harmonie et le contre-point ; et enfin, les neuf fameuses symphonies.

Il ne faut pas croire que cette fécondité de Beethoven ait rien de commun avec celle des compositeurs italiens, qui ne comptent leurs opéras que par cinquantaines, témoin les cent soixante partitions de Paisiello. Non, certes ! une telle opinion serait souverainement injuste. Si nous en exceptons l’ouverture des Ruines d’Athènes, et peut-être deux ou trois autres fragments vraiment indignes du grand nom de leur auteur, et qui sont tombés de sa plume dans ces rares instants de somnolence qu’Horace reproche, avec tant soit peu d’ironie, au bon Homère lui-même, tout le reste est de ce style noble, élevé, ferme, hardi, expressif, poétique et toujours neuf, qui font incontestablement de Beethoven la sentinelle avancée de la civilisation musicale. C’est tout au plus si, dans ce grand nombre de compositions, on peut découvrir quelques vagues ressemblances entre quelques-unes des mille phrases qui en font la splendeur et la vie. Cette étonnante faculté d’être toujours nouveau sans sortir du vrai et du beau se conçoit jusqu’à un certain point dans les morceaux d’un mouvement vif ; la pensée alors, aidée par les puissances du rhythme, peut, dans ses bonds capricieux, sortir plus aisément des routes battues ; mais où l’on cesse de la comprendre, c’est dans les adagio, c’est dans ces méditations extra-humaines où le génie panthéiste de Beethoven aime tant à se plonger. Là, plus de passions, plus de tableaux terrestres, plus d’hymnes à la joie, à l’amour, à la gloire, plus de chants enfantins, de doux propos, de saillies mordantes ou comiques, plus de ces terribles éclats de fureur, de ces accents de haine que les élancements d’une souffrance secrète lui arrachent si souvent ; il n’a même plus de mépris dans le cœur, il n’est plus de notre espèce, il l’a oubliée, il est sorti de notre