Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/282

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qu’on va construire sur la place du Châtelet, sur le bord de la Seine. Attendons. Cependant on parle beaucoup de divers côtés aux gens de l’Opéra. Mon article leur a démoli leur Roméo et Juliette[1], cela ne fait pas d’argent, on en a déjà interrompu les représentations.

Il faut voir venir et prendre patience. Madame Viardot, qui est aussi une grande pianiste, a étudié mes deux premiers actes pendant que j’étais chez elle. « Quel bonheur, me disait-elle, que cela soit si beau ! Oh ! si je pouvais tout de suite jouer Cassandre au lieu d’Orphée ! » Patience pour toi, mon très-cher Louis ; prends aussi patience pour moi. J’ai des amis, j’ai des cœurs dévoués… Mais je te vois dans des dispositions d’exaltation fâcheuse, tu as besoin de calme et de tranquillité d’esprit pour travailler avec fruit. Je t’en prie, songe à ta carrière avant tout et ne t’inquiète pas de moi. Nous avons parlé de toi longtemps, l’autre jour, à Courtavenel, où l’on sait combien nous nous aimons.

Je n’ai pas vu les petits articles dont tu me parles ; mais cela m’importe peu. Je n’ai pas eu signe de vie d’Alexis. Au nom de Dieu, ne t’inquiète pas quand mes lettres sont en retard ; tu sais à peine dans quel tourbillon de douleurs et d’anxiétés je passe ma vie.

Adieu, cher ami ; je t’embrasse de tout mon cœur. Je t’aime comme tu m’aimes ; que veux-tu de plus ?

  1. Roméo et Juliette de Bellini, traduit en français par M. Nuitter pour les débuts de madame Vestvali et joué à l’Opéra le 7 septembre 1859.