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Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/288

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prêtés, et le reste de ma pension du prix de Rome qui ne devait durer que dix-huit mois. Après cela, rien, qu’une dette de ta mère, à peu près 14,000 francs (que j’ai payés peu à peu) ; et je devais envoyer de temps en temps de l’argent à sa mère, qui habitait l’Angleterre ; et j’étais brouillé avec ma famille, qui ne voulait plus entendre parler de moi ; et j’avais, au milieu de tous ces embarras, à faire ma première trouée dans le monde musical. Compare un peu ce que j’ai dû souffrir alors avec ce qui te mécontente si fort aujourd’hui.

Encore à présent, crois-tu que ce soit gai, d’être forcé, contraint, de rester à cette infernale chaîne du feuilleton qui se rattache à tous les intérêts de mon existence ? Je suis si malade que la plume à tout instant me tombe de la main, et il faut pourtant m’obstiner à écrire pour gagner mes misérables cent francs, et garder ma position armée contre tant de drôles qui m’anéantiraient s’ils n’avaient tant de peur. Et j’ai la tête pleine de projets, de travaux, que je ne puis exécuter à cause de cet esclavage ! Tu te portes bien, et moi, je me tords du matin au soir dans des souffrances sans répit et auxquelles il n’y a pas de remède.

Depuis un mois je n’ai pu trouver un seul jour pour travailler à ma partition de Béatrice. Heureusement, j’ai du temps pour l’achever. Je suis allé lire la pièce à M. Bénazet, qui s’en est montré enchanté. Cet opéra sera donc joué à Bade sur le nouveau théâtre ; et le sort des Troyens est toujours incertain. J’ai eu une longue conférence, il y a huit jours, avec le ministre d’État à ce sujet ; je lui ai raconté toutes les vilenies dont j’avais été victime. Il m’a demandé à connaître mon poème ; je le lui ai porté le lendemain,