Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/332

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car je ne puis rien pour les satisfaire. Moi aussi, je voudrais avoir une fortune que je n’ai pas ; une fortune qui me permît de la partager avec toi d’abord, et ensuite de voyager, de faire exécuter mes ouvrages, etc., etc. Il faut bien me résigner à m’en passer. Songe que, si, en ce moment, tu étais marié et si tu avais des enfants, tu serais cent fois plus malheureux que tu n’es. Profite autant que tu le pourras de mon exemple. C’est une série de miracles (le présent de Paganini, mon voyage en Russie, etc.) qui m’ont tiré de la plus horrible misère. Or, les miracles sont rares ; sans quoi ils ne seraient plus des miracles. Pour vivre seul il faut de l’argent ; pour vivre avec une femme, il faut trois fois plus d’argent ; pour vivre avec une femme et des enfants, il faut huit fois plus d’argent. Cela est certain comme il l’est que deux et deux font quatre. Je ne parle pas des tourments moraux de certaines positions (même avec de l’argent), car cela dépasse mon talent de description.

En somme, ta lettre est sans conclusion ; il semble que tout d’un coup tu découvres le monde, la société, le plaisir, la douleur, etc.


CXXXV.

AU MÊME.


Paris, le 11 juillet 1865.

Oui, mon cher bon Louis, causons, quand nous pourrons, aussi souvent que nous pourrons. Ta lettre de ce matin est la bienvenue. Mais j’ai passé hier une abominable