Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/74

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des Alpes, s’engouffre dans la salle, soulève les rideaux, éteint les bougies ; des rafales soufflent au dehors et des éclairs déchirent la nue, illuminant d’un fauve reflet les assistants muets et terrifiés. Au milieu de la tempête, Berlioz est resté debout ; il ressemble, environné de lueurs, au génie de la symphonie, auquel la puissante nature ferait une apothéose, dans un décor de montagnes et avec l’aide du tonnerre, musicien gigantesque.

Dès lors, tout fut fini.

Le lundi, 8 mars 1869, dans la matinée, Hector Berlioz, de retour à Paris, rendait le dernier soupir. Ses obsèques eurent lieu à l’église de la Trinité, le jeudi suivant ; l’Institut avait envoyé une nombreuse députation, les cordons du poêle étaient tenus par MM. Camille Doucet, Guillaume, Ambroise Thomas, Gounod, Nogent Saint Laurens, Perrin, le baron Taylor ; la musique de la garde nationale précédait le cortège jouant des fragments de la Symphonie en l’honneur des victimes de Juillet. Sur le cercueil étaient (souvenir touchant) les couronnes données par la Société Sainte-Cécile, par la jeunesse hongroise, par la noblesse russe, et enfin les derniers lauriers de la ville de Grenoble.

Il était mort !… la réparation commençait…

Il dort maintenant sur cette haute colline qui vit couler le sang des martyrs ; là-bas, au-dessus de nous, écoutant peut-être les bruits tumultueux de l’immense ville. Aux anniversaires, de pieuses mains viennent déposer sur son tombeau des bouquets de fleurs promptement fanées par l’intempérie des saisons ; j’y ai vu des roses blanches, aussi blanches que le lys, et des violettes répandues en pluie odoriférante, sur la pierre, sur le fer, et jusque dans la boue qu’avait produite le piétinement des passants. Il se