tout mouvement un peu vif leur est impossible, quel que soit le degré de rapidité imprimé au début d’un morceau dont la direction leur est confiée, peu à peu ils en ralentissent l’allure, jusqu’à ce que le rhythme soit réduit à une certaine lenteur moyenne qui semble être en harmonie avec le mouvement de leur sang et l’affaiblissement général de leur organisme. Il est vrai d’ajouter que les vieillards ne sont pas les seuls qui fassent courir ce danger aux compositeurs. Il y a des hommes dans la force de l’âge, d’un tempérament lymphatique, dont le sang paraît circuler Moderato. S’il leur arrive de diriger un allegro assaï, ils le ralentiront graduellement jusqu’au Moderato ; si au contraire c’est un Largo ou un Andante sostenuto, pour peu que le morceau se prolonge, ils arriveront par une animation progressive, longtemps avant la fin, au mouvement Moderato. Le Moderato est leur mouvement naturel, et ils y reviennent aussi infailliblement que reviendrait au sien un pendule dont on aurait un instant pressé ou ralenti les oscillations.
Ces gens-là sont les ennemis nés de toute musique caractérisée et les plus grands aplatisseurs du style. Que le chef d’orchestre se préserve à tout prix de leur concours !
Un jour, dans une grande ville que je ne veux pas nommer, il s’agissait d’exécuter derrière la scène un chœur très simple écrit à 6/8 dans le mouvement allegretto. L’intervention du maître de chant devint nécessaire ; c’était un vieillard… Le mouvement de ce chœur étant d’abord déterminé par l’orchestre, notre Nestor le suivait tant bien que mal pendant les premières mesures ; mais bientôt après, le ralentissement devenait tel qu’il n’y avait plus moyen de continuer sans rendre le morceau complètement ridicule. On recommença deux fois, trois fois, quatre fois ; on employa une grande demi-heure en efforts de plus en plus irritants, et toujours avec le même résultat. La conservation du mouvement allegretto était absolument impossible à ce brave homme. Enfin le chef d’orchestre impatienté vint le prier de ne pas conduire du tout ; il avait trouvé un expédient :