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L’ARTISTE.

Mais pourquoi m’abandonner à ces poétiques illusions ? Ah ! ce n’est pas en contemplant de pareils tableaux que je puis me réconcilier avec la vie. Nouveau Faust, plus incrédule, aussi dégoûté des sensations vulgaires, et non moins affamé de bonheur, je n’ai pas comme lui la ressource de la magie pour réaliser mes rêves… La mort ne veut pas de moi ;… je me suis jeté dans ses bras, elle m’en repousse avec indifférence.

Vivons donc, et que l’art sublime auquel je dois les rares éclairs de bonheur qui ont brillé sur ma sombre existence, me console et me guide dans le triste désert qui me reste à parcourir. O musique ! maîtresse fidèle et pure, respectée autant qu’adorée, ton ami, ton amant t’appelle à son secours ; viens, viens, déploie tous tes charmes, enivre-moi, environne-moi de tous tes prestiges, sois touchante, fière, simple, parée, riche, belle ; viens, viens, je m’abandonne à toi ! Dieu ! il y a peut-être encore tant de choses grandes et neuves à faire pour un esprit libre et hardi ; le champ des défrichemens est si vaste. Nouveau Colomb, Beethoven a découvert une autre Amérique, à laquelle il manque un Cortez et un Pizarro pour l’explorer. Heureux ceux auxquels une si glorieuse tâche est réservée !… Mais ces intrépides aventuriers trouveront-ils des armes et des soldats ? les armateurs voudront-ils leur confier des vaisseaux ? Ah ! je crains bien que le Mexique et le Pérou ne demeurent encore longtemps inconnus. Décourageantes pensées ! Eh ! pourquoi réfléchir ? Je n’ai pas de plus mortelle ennemie que la