Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais s’il n’eût pas mis l’entêtement d’un maniaque à poursuivre sa route à l’ouest, il n’eût pas rencontré, vingt-quatre heures avant la découverte de San-Salvador, des morceaux de bois flottants, travaillés à main d’homme, cette circonstance ridicule n’eût pas rendu à son équipage un peu de confiance, et il eût été forcé de boire sa honte, de retourner en Europe et de s’estimer encore trop heureux d’y parvenir. C’est donc le hasard qui amena cette tant fameuse découverte ; et tout autre que Colomb, sans être marin ni géologue, qui eût eu l’idée de cingler droit à l’ouest, fût parvenu aux îles Lucayes, et, par suite, sur le continent américain aussi bien que lui.

Et Cook, le fameux, l’étonnant capitaine Cook ! N’est-il pas allé se faire tuer comme un niais par un sauvage à Hawaï ? Il a découvert la Nouvelle-Calédonie, il en a pris possession au nom de l’Angleterre, et c’est la France qui l’occupe. Le beau service qu’il a rendu à son pays !

Non, non, ces hommes à systèmes sont les fléaux de toutes les institutions humaines, rien n’est plus évident aujourd’hui. Le petit sinistre de Saint-Valéry ne prouve rien. Le joueur de clarinette qui commandait le lougre ayant une dizaine de dames à son bord, avait fait, par amour-propre, autant de toile que possible, et comme la brise était gentille, il filait je ne sais combien de nœuds à l’heure, et tout le monde sur la jetée de s’écrier : « Mais voyez donc comme ce petit lougre marche bien ! » Quand arrivé devant Veule, et