Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/120

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pressés qui viennent de fort loin faire leur réputation dans la grand’ville, qui la veulent faire vite et qui tentent sur eux l’emploi des fromages de Hollande comme moyen de corruption.

C’est la saison !

On donne jusqu’à cinq et six concerts chaque jour, à la même heure, et les organisateurs de ces fêtes trouvent fort inconvenant que les pauvres critiques se fassent remarquer à quelques-unes par leur absence ! Ils écrivent alors aux absents des lettres fort curieuses, remplies de fiel et d’indignation.

C’est la saison !

Une foule incroyable de gens qui passent dans leur endroit pour avoir du talent viennent ainsi acquérir la preuve qu’ils n’en ont pas hors de leur endroit, ou qu’ils n’ont que celui de rendre fort sérieux le public frivole et frivole le public sérieux.

C’est la saison !

Dans ce grand nombre de musiciens et de musiciennes marchant sur les talons les uns des autres, se coudoyant, se bousculant, prenant parfois traîtreusement leurs rivaux par les jambes pour les faire tomber, on remarque pourtant par bonheur quelques talents de haute futaie qui s’élèvent au-dessus du peuple des médiocrités, comme les palmiers au-dessus des forêts tropicales. Grâce à ces artistes exceptionnels, on peut alors entendre de temps en temps quelques fort belles choses, et se consoler de toutes les choses détestables qu’on doit subir.