Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/122

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places ; au jour fixé on accourt. La salle du festival est pleine, il est vrai, mais de quels auditeurs !… L’orchestre est composé de dix ou douze artistes et de trente musiciens de guinguettes ; le chœur a été recruté parmi les blanchisseuses du lieu et les soldats de la garnison. On écartèle une symphonie de Beethoven, on brait un oratorio de Mendelssohn. Et l’on serait mal venu de se plaindre.

Ce n’est pas la saison.

On annonce par exception, dans la grand’ville, une œuvre nouvelle d’un vieux maître blanchi sous le harnois, chantée par une prima donna dont le nom, dès longtemps populaire, a conservé un grand éclat. Hélas ! la musique de l’œuvre nouvelle est incolore et la voix de la cantatrice n’a pas eu le même bonheur que son nom.

Ce n’est plus la saison.

Combien nous comptons peu de pays à saison !

Connaissez-vous la contrée où fleurit l’oranger ?… Cette contrée, depuis longtemps, n’a plus de saison.

Si vous avez vécu aux champs de l’Ibérie, vous devez savoir que là il n’y a pas encore de saison.

Quant aux tristes contrées où fleurissent seulement les sapins, les bouleaux et le perce-neige, elles ont déjà de temps en temps des saisons, mais éclairées comme les nuits polaires, par des aurores boréales seulement. Espérons que, si le soleil leur apparaît enfin, elles auront des saisons de six mois, pour regagner le temps perdu.