Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/140

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me suis mis aussitôt à vous penser une réponse du plus vif intérêt, éloquente, chaleureuse, d’un style net et coloré, pleine aussi de détails piquants et savants. Séduit par le charme du récit que je vous faisais de mon voyage, je me suis levé pour aller l’écrire, car il faut toujours bien en venir là. Mais arrivé chez moi, quel a été mon désespoir de ne me plus trouver ni éloquence, ni chaleur, ni style, ni mémoire ! Je n’avais pas même un souvenir des beaux récits si richements imagés que je vous faisais horizontalement une heure auparavant. J’étais réduit enfin à la médiocrité intellectuelle, pour ne pas dire à la nullité d’esprit, de l’homme perpendiculaire. Il pleuvait à verse, je ne pouvais retourner cueillir des idées dans mon bois de sapins. Vous me direz qu’on peut toujours s’étendre quelque part, sur un lit, sur un canapé, sur un plancher même. C’est bien ce que j’ai fait, mais sans le moindre résultat. Mon sang était devenu froid, la chaudière n’a pas voulu bouillir, je suis demeuré stupide. La nature a des caprices…

Je vous narrerai donc tant bien que mal, en style de guide du voyageur, mon excursion dans les Vosges et dans le duché de Bade ; je vous en demande bien pardon. Je mettrai du moins dans ce récit autant d’ordre que possible et ne vous dirai rien qui ne se rapporte au sujet directement. Tout d’abord ce nom de Vosges me rappelle une assez bonne plaisanterie de M. Méry. Après la révolution de 1848, le nom de la place Royale fut converti par le gouvernement républicain en celui