Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/143

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deux classes d’individus fort différentes l’une de l’autre : les étrangers, curieux ou baigneurs, et les indigènes. Cette dernière classe, peu nombreuse, quoique Plombières compte plusieurs habitants, se concentre, après la chute des neiges, dans un monument en forme de tombe, qui occupe le milieu de la ville, et qu’on nomme le bain romain. Là, du matin au soir, chauffés gratuitement par l’eau qui circule sous les dalles de la salle supérieure, hommes, femmes et enfants travaillent à de fins ouvrages d’aiguille, à des broderies.

Que faire en un tel gîte, à moins que l’on n’y brode ?


Et ne croyez pas qu’il n’y ait que des hommes faibles ou maladifs, des culs-de-jatte, des bossus, des nains appliqués à ce travail. Hélas ! non ; de robustes gaillards, de véritables Hercules, brodent eux-mêmes, aux pieds de cette triste Omphale dont le nom est Nécessité.

Toutes les maisons sont fermées, on y rentre seulement la nuit. Il n’y a plus alors le jour chez les bourgeois, qui pendant l’été louent leurs chambres aux baigneurs, qu’une vieille femme courageuse, sûre d’ailleurs que son aspect suffira pour mettre en fuite les voleurs s’il s’en présente. Car le vieux sexe est terrible dans les Vosges.

La rue de Plombières est en certains endroits d’une largeur raisonnable ; quatre gros hommes peuvent y passer de front. Autrefois les femmes jouissaient du même privilège. Il n’en est plus ainsi. Il n’y passe pas