Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/190

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siècle seulement, à une fourmilière de moineaux dont s’épouvante l’imagination, et qui devrait avoir couvert depuis longtemps la surface de la terre. Les mathématiques sont là pour en donner la preuve : ce qui prouve une fois de plus que les preuves ne prouvent rien ; car, en dépit de toutes les démonstrations algébriques, nous voyons que la population des moineaux de Paris n’est pas plus nombreuse aujourd’hui qu’elle ne le fut au temps du roi Dagobert.

De même, chaque théâtre lyrique (l’Opéra excepté) produisant un nombre vraiment extraordinaire de petits moineaux, je veux dire d’opéras comiques, tous les ans, hiver comme été, qu’il vente, qu’il grêle, qu’il tonne, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de chanteurs, que le public s’absente, qu’on assiège Sébastopol, que le choléra sévisse, que les Indes-Orientales soient en feu, que l’Amérique du Nord fasse banqueroute, organise le brigandage et avoue cette nouvelle manière de faire des affaires, sur ce nombre effrayant de productions musicales et littéraires, on ne rencontre pas plus de chefs-d’œuvre qu’on n’en trouvait, je ne dirai pas au temps du roi Dagobert, mais à l’époque de Sédaine, de Grétry, de Monsigny, où les théâtres lyriques, peu nombreux, fonctionnaient avec une si louable réserve. Cette inexplicable circonstance doit donc donner beaucoup de prix aux moineaux qui chantent bien, quand on a le bonheur d’en attraper un en lui mettant un grain de sel sur la queue ; en ce temps-ci surtout, où le vrai sel est devenu si rare, qu’on se voit bien souvent forcé d’em-