Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/233

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un homme d’un grand talent, mais il a mis la statue dans l’orchestre. Et cette niaise critique des opéras de Mozart, faite il y a quatre-vingts ans par le faux bonhomme Grétry, reste et restera longtemps encore infligée comme un blâme par la foule des connaisseurs ou par les connaisseurs de la foule, aux musiciens qui ont le plus de droits à l’éloge contraire. Si quelqu’un avait osé répondre la vérité à Grétry censurant ainsi Mozart, il lui eût dit : « Mozart, à votre avis, a mis le piédestal sur la scène et la statue dans l’orchestre ? Cette comparaison saugrenue pourrait en mainte circonstance n’être pas un blâme, on vous le prouvera ; dans votre bouche elle en est un. Or ce blâme est injuste, la critique porte à faux ; l’orchestre de Mozart est charmant, sinon très-riche de coloris, il est discret, délicatement ouvragé, énergique quand il le faut, parfait ; aussi parfait que le vôtre est délabré, impotent et ridicule.

« Mais la partie vocale de ses opéras n’en est pas moins restée, presque partout, la partie dominante, la scène n’en est pas moins toujours remplie par le sentiment humain, ses personnages n’en chantent pas moins librement et d’une façon dominatrice la vraie phrase mélodique. Ôtez l’orchestre, monsieur Grétry, remplacez-le par un clavecin, et vous verrez, à votre grand regret, j’imagine, que l’intérêt principal de l’opéra de Mozart est resté sur la scène et que son piédestal a autant de traits humains et paraît encore plus beau que toutes vos statues. » Voilà ce qu’on aurait pu répliquer à ce faux bonhomme qui faisait de faux bons mots sur