Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/246

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nous a donné une fois le Maître chanteur, de M. Limnander, partition dans laquelle se trouvent de charmantes choses qu’on ne remarque point assez, à mon sens. Après le Maître chanteur est venue la Reine de Chypre, où Mme Soltz a reconquis les honneurs du triomphe, au son des trompettes du théâtre, aux bouquets des loges d’avant-scène, aux acclamations enthousiastes de tous. Le monde entier de l’Opéra s’en est mêlé ; et je n’y étais pas ! Le fabuliste a raison, l’absence est le plus grand des maux, pour moi surtout qui jouis d’un guignon infatigable ? Quand je suis à Paris, rien n’est plus terne ni plus stagnant que nos théâtres lyriques, et je n’ai pas plus tôt tourné les talons qu’on y tire des feux d’artifice merveilleux, et que les chandelles romaines du succès y montent au ciel de l’art par myriades.

Mme stoltz n’a rien perdu de sa voix ni de sa verve brûlante, c’est ce que chacun dit ; mais je lui dirai, moi, qu’elle se prodigue, qu’elle met trop de voiles au vent, qu’elle donne trop de son âme, qu’elle se tue, qu’elle se brûle par les deux bouts. Il faut faire vie qui dure, et notre public de l’Opéra n’est pas habitué à un tel luxe d’élans dramatiques, à une telle profusion d’accents passionnés. Il y a beau temps qu’il avait fait son deuil de toutes ces choses ; ne souffrons pas qu’il en reprenne l’habitude. Mme Stoltz pourrait, elle le devrait même en se bornant, au tiède nécessaire, se dire encore ce que disait Rossini : E troppo bono per questi, etc. »