Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/309

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ces voix-là, je m’étonnais qu’on ne pût pas allumer de petites misérables pièces de vingt-quatre et de douze avec un cigarre ou un morceau d’amadou, et que des lances à feu fussent aussi indispensables aux canons que l’embouchure l’est aux trombones ; pourtant j’accordai les cinq minutes. J’en accordai même sept. Au bout de la septième, un autre messager, gravissant à la hâte le même escalier que le capitaine éperdu venait de redescendre, fit observer que les princes attendaient et qu’il était plus que temps de commencer.

— Allez ! dis-je à l’artificier, et tant pis pour les choristes si on n’a pas de quoi les allumer !

La fusée s’élance avec une ardeur à faire croire qu’elle partait pour la lune. Grand silence… Il paraît qu’on n’est pas revenu de l’arsenal.

Je commence ; notre bande militaire fait des prouesses, le morceau se déploie majestueusement sans la moindre faute de stratégie musicale ; et comme il est d’une assez belle dimension, je me disais en conduisant : « Nous ne perdrons rien pour avoir attendu ; les canonniers auront eu le temps de se pourvoir de lances à feu, et nous allons avoir pour le dernier accord une bordée à faire tomber les croisées de tout le voisinage. » En effet, à la mesure indiquée dans la coda, je fais un nouveau signe à mon artificier, une nouvelle fusée escalade le ciel, et juste quatre secondes après son ascension…

Ma foi ! je ne veux pas me faire plus brave que je ne suis, et ce n’était pas sans raison que le cœur m’avait