Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/311

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cantate. Mon espérance, cette fois, ne fut en rien trompée ; nos chanteurs et nos musiciens n’eurent ni un soupir ni une double-croche à se reprocher. Il n’en fut pas de même de nos auditeurs ; après le concert, pendant que j’écoutais les gracieusetés que M. le duc de Nemours et son frère de Montpensier avaient la bonté de me dire, quelque amateur d’autographes me fit l’honneur de me voler mon chapeau. J’en fus peiné, car la conscience de mon amateur lui aura sans doute sévèrement reproché de n’en avoir pas pris un meilleur ; et puis je me voyais obligé de sortir tête nue, et il pleuvait.

Voilà tout : ce que j’ai à vous apprendre sur Lille et les fêtes de l’inauguration. — Comment, direz-vous, c’est pour me faire savoir qu’il y a de bons choristes, d’excellentes musiques militaires et de faibles artilleurs dans le chef-lieu du département du Nord, que vous m’écrivez une si longue lettre ? — Eh mais, c’est là le talent ! La belle malice d’écrire beaucoup quand on a beaucoup à dire ! C’est à élever une longue avenue de colonnes, qui ne conduit à rien, que consiste aujourd’hui le grand art. Vous promenez ainsi votre naïf lecteur dans l’allée des Sphinx de Thèbes ; il vous suit patiemment avec l’espoir d’arriver enfin à la ville aux cent portes ; puis, tout d’un coup, il compte son dernier sphinx ; il ne voit ni portes ni ville, et vous le plantez là, dans le désert.

H. BERLIOZ.