La version Sontag.
Une admirable cantatrice, la tant regrettée Sontag, avait, à la fin du trio des masques de Don Juan, inventé une phrase qu’elle substituait à la phrase originale. Son exemple fut bientôt suivi ; il était trop beau pour ne pas l’être, et toutes les cantatrices de l’Europe adoptèrent pour le rôle de dona Anna l’invention de Mme Sontag.
Un jour, à une répétition générale à Londres, un chef d’orchestre de ma connaissance, entendant à la fin du trio cette audacieuse substitution, arrêta l’orchestre et s’adressant à la prima donna :
— Eh bien, qu’est-ce qu’il y a ? avez-vous oublié votre rôle, madame ?
— Non, monsieur, je chante la version Sontag.
— Ah ! très-bien ; mais oserais-je prendre la liberté de vous demander pourquoi vous préférez la version Sontag à la version Mozart, qui est pourtant la seule dont nous ayons à nous occuper ici ?
— C’est qu’elle fait mieux.