Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/52

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au contraire, pour mieux voir ; on entendait des exclamations, de petits cris étouffés, et le scandaleux virtuose continuait à gratter son anche.

Enfin, il la croit en état ; l’orchestre est revenu pour la quatrième fois au temps d’arrêt du tutti, le soliste réembouche sa clarinette, écarte et élève de nouveau ses coudes, souffle, sue, rougit, se crispe, et rien ne sort ! Quand un effort suprême fait jaillir, comme un éclair sonore, le couac le plus déchirant, le plus courroucé qu’on ait jamais entendu. On eût dit de cent pièces de satin déchirées à la fois ; le cri d’un vol de vampires, d’une goule qui accouche, ne peuvent approcher de la violence de ce couac affreux !

La salle retentit d’une exclamation d’horreur joyeuse, les applaudissements éclatent, et le virtuose éperdu, s’avançant sur le bord de l’estrade, balbutie : « Mesdames et messieurs, je ne sais… un ac… cident… dans ma cla…rinette… mais je vais la faire rac… commoder… et je vous prie de vouloir bien… venir, à ma soirée musi… cale, lundi prochain, ent… en… entendre la fin de mon concerto. »

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