Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/97

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On y voit une troupe de malheureux couverts d’humides et boueux haillons, le chef orné de chapeaux macairiens, marchant dans d’immondes tiges de bottes attachées au bas de leurs jambes avec des cordes de paille ; la plupart d’entre eux ont une joue enflée, tous ont le ventre creux ; ils souffrent des dents et meurent de faim ; aucune fluxion, aucune affliction ne leur manque ; leurs rares cheveux pendent collés contre leurs tempes amaigries ; ils portent pelles et balais, ou plutôt des fragments de pelles, des chicots de balais, dignes instruments de ces travailleurs en loques. Il pleut à verse, ils pataugent d’un pied morne dans le noir cloaque de Paris ; et devant eux une espèce d’argousin, armé d’une canne formidable, étend vivement le bras, comme Napoléon montrant à ses soldats le soleil d’Austerlitz, et leur crie en louchant des yeux et de la bouche : « Allons, messieurs, de l’ardeur ! » Ce sont des balayeurs…

Pauvres diables !… d’où sortent ces malheureux êtres ?… À quel Montfaucon vont-ils mourir ?… Que leur octroie la munificence municipale pour nettoyer (ou salir) ainsi le pavé de Paris ?… À quel âge les envoie-t-on à l’équarrissage ?… Que fait-on de leurs os ? (leur peau n’est bonne à rien.) Où cela loge-t-il la nuit ?… Où cela va-t-il pâturer le jour ?… et quelle est la pâture ?… Cela a-t-il une femelle, des petits ?… À quoi cela pense-t-il ?… De quoi cela peut-il discourir en se livrant, avec l’ardeur demandée, à l’accomplissement des fonctions que lui confie M. le préfet de la Seine ?… Ces messieurs