Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/135

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pas qu’en général on épargne le temps pour les apprendre ; car voici comment on a procédé jusqu’ici, et comment on procède encore probablement à l’étude d’une composition nouvelle.

D’abord on n’y pense pas du tout ; puis, quand on en est venu à reconnaître qu’il ne serait peut-être pas hors de propos d’y réfléchir un peu, on se repose ; et on a raison. Diable ! il ne faut pas s’exposer, par excès de travail, à un épuisement prématuré de l’intelligence ! Par une série d’efforts ainsi sagement calculés, on arrive à annoncer une répétition. Ce jour-là, le directeur se lève de bonne heure, se rase de très-près, gourmande plusieurs fois ses domestiques sur leur lenteur, boit à la hâte une tasse de café, et… part pour la campagne. A cette répétition, plusieurs acteurs ont la bonté de se rendre ; peu à peu il s’en réunit jusqu’à cinq. L’heure indiquée étant midi et demi, on cause fort tranquillement politique, industrie, chemins de fer, modes, bourse, danse, philosophie, jusqu’à deux heures. Alors, l’accompagnateur ose faire remarquer à ces messieurs et à ces dames qu’il attend depuis longtemps qu’on veuille bien ouvrir les rôles et en prendre connaissance. Sur cette observation, chacun se décide à demander le sien, le feuillette un instant, en secoue le sable en pestant contre les copistes, et on commence… à jaser un peu moins. « Mais, pour chanter, comment faire ? Le premier morceau est un sextuor, et nous ne sommes que cinq ! C’est-à-dire nous n’étions tout à l’heure que cinq, car L..... vient de sortir ; son avoué l’a fait demander pour une affaire importante. Or, nous ne pouvons pas répéter un sextuor à quatre. Si nous remettions la partie à une autre fois ? » Et tous de se retirer lentement comme ils sont venus. On ne peut répéter le lendemain, c’est un dimanche ; ni le surlendemain, c’est un lundi, jour de représentation. On ne fait ordinairement rien à l’Opéra, ces jours-là ; les acteurs même qui ne figurent pas dans la pièce qu’on donne le soir, se reposent de toutes leurs forces en songeant à la peine que vont avoir leurs camarades. A mardi donc ! Une heure sonne ; entrent les deux acteurs qui ont manqué à la première répétition ; mais des autres aucun ne paraît. C’est trop juste ; ils ont