Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/142

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gouvernaient alors l’Académie royale de musique. Ayant éconduit au plus vite ce petit joueur de clavecin qui avait l’audace de leur proposer d’écrire pour leur théâtre, ils lui promirent pourtant, comme dédommagement et par faveur particulière, d’admettre un court morceau instrumental de sa composition dans l’un des concerts spirituels de l’Opéra et l’engagèrent à l’écrire. Mozart eut bientôt terminé son ouvrage et se hâta de le porter au directeur.

Quelques jours après, le concert où il devait être entendu étant affiché, Mozart, ne voyant point son nom sur le programme, revient tout inquiet à l’administration ; on le fait attendre longuement, comme toujours, dans une antichambre, où, en fouillant par désœuvrement au milieu d’un monceau de paperasses entassées sur une table, il trouve… quoi ? son manuscrit que le directeur avait jeté là. En apercevant son Mécène, Mozart se hâte de demander une explication du fait. « Votre petite symphonie ? répond le directeur ; oui, c’est cela. Il n’est plus temps maintenant de la donner au copiste, Je l’avais oubliée. »

Dix ou douze années plus tard, quand Mozart fut mort immortel, l’Opéra de Paris se crut obligé de représenter Don Juan et la Flûte enchantée, mais mutilés, salis, défigurés, travestis en pastiches infâmes, par des misérables dont il devrait être défendu de prononcer le nom. Tel est notre Opéra, tel il fut, et tel il sera.