Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/212

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silhouette élégante se dessine blanche sur la sombre verdure d’un parc plein d’ombre et de mystère. — Ces jours-là, respirer, voir et entendre, c’est être heureux.

Le lendemain, le soleil se lève morose et voilé ; une brume épaisse alourdit l’atmosphère, tout languit sur la montagne et dans la plaine ; les oiseaux chanteurs se taisent ; on n’entend que la sotte voix du coucou, l’aigre et stupide cri des oies, des paons et des pintades ; la grenouille coasse, le chien hurle, l’enfant vagit, la girouette grince sur son toit ; puis un vent énervant se roule sur lui-même et tombe enfin, avec le jour, sous une pluie silencieuse, tiède et mal odorante comme l’eau des marais. N’avons-nous pas aussi les jours de tempête sublimes, où la foudre et les vents, le bruit des torrents, le fracas des forêts criant sous l’effort de l’orage, l’inondation et l’incendie, remplissent l’âme de grandes et terribles émotions ?… Comment donc les jours se ressemblent-ils ? Est-ce par leur durée, par leurs degrés de chaleur ou de froid, par la beauté des crépuscules qui précèdent le lever ou suivent le coucher du grand astre ? pas davantage. Nous voyons des jours et des opéras mortellement froids succéder à des journées et à des œuvres brûlantes ; telle production qui a brillé d’un vif éclat pendant la vie de son auteur, s’éteint brusquement avec lui, comme la lumière au coucher du soleil, dans les contrées équinoxiales ; telle autre, qui n’eut d’abord que de pâles reflets, s’illumine, quand l’auteur a vécu, de splendeurs durables, et revêt un éclat merveilleux, comparable, aux lueurs crépusculaires, aux aurores boréales qui rendent certaines nuits polaires plus belles que des jours.

Je maintiens donc l’exactitude de ma comparaison : les opéras, ainsi que les jours, se suivent mais ne se ressemblent pas. Les astronomes et les critiques viennent ensuite vous donner une foule d’explications plus ou moins bonnes des phénomènes. Les uns disent : Voilà pourquoi il a tombé hier de la grêle et pourquoi il fera beau demain. Les autres : Voici la raison de la défaveur du dernier opéra et la cause du succès qu’obtiendra le prochain. Quelques autres enfin avouent qu’ils ne savent rien, et qu’à force d’avoir étudié l’inconstance