Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/230

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crois, d’un vif intérêt, mais on conçoit sans peine l’embarras que j’éprouverais à faire un tel récit, et vous me pardonnerez de m’abstenir.

Je ne crois pas même nécessaire de relever les sottes insinuations, les dénégations folles, et les assertions erronées auxquelles la noble conduite de Paganini donna lieu dans la circonstance dont je parle. Jamais, par compensation, certains critiques ne trouvèrent de plus belles formes d’éloges ; jamais la prose de J. Janin surtout n’eut de plus magnifiques mouvements qu’à cette occasion. Le poëte italien, Romani, écrivit aussi plus tard, dans la Gazette piémontaise, d’éloquentes pages, dont Paganini, qui les lut à Marseille, fut très-touché.



Il avait dû fuir le climat de Paris ; bientôt après son arrivée à Marseille, celui de la Provence lui paraissant trop rude encore, il alla se fixer pour l’hiver à Nice, où il fut accueilli comme il devait l’être, et entouré des soins les plus affectueux par un riche amateur de musique, virtuose lui-même, M. le comte de Césole. Ses souffrances, néanmoins, ne firent que s’accroître, bien qu’il ne se crût pas en danger de mort, et ses lettres respiraient une tristesse profonde. « Si Dieu le permet, m’écrivait-il, je vous reverrai au printemps prochain. J’espère que mon état va s’améliorer ici ; l’espérance est la dernière qui reste. Adieu, aimez-moi comme je vous aime. »

Je ne le revis plus… Quelques années après, obligé moi-même d’aller demander aux tièdes haleines de la mer de Sardaigne un peu de réconfort, après les âpres fatigues d’une laborieuse saison musicale à Paris, je revenais un jour en barque de Villa-Franca à Nice, quand le jeune pêcheur qui me conduisait, laissant tout à coup tomber ses rames, me montra sur le rivage une petite villa isolée, d’assez singulière apparence : — « Avez-vous entendu parler, me dit-il, d’un monsieur qui se nommait Paganini, qui sonnait si bien le