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Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/252

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vous m’aviez promis ! — Ta n’aimes pas le pain d’épices. — Non, mais donnez toujours. — Ma foi, je n’ai qu’une pièce de cinq sous, tiens. Vous lui jetez vos cinq sous, l’enfant les ramasse, vous laisse faire encore quelques pas, et vous crie : « Ohé ! vieux gredin ! aristo ! » On fume précipitamment. On retraverse la plaine, tout sot ; on remonte en wagon pour revenir à Paris, et on se dit : « Si elle ne m’eût appelé qu’aristo, ou gredin, mais vieux.... Bah ! décidément je n’irai plus à vêpres à Montmorency. »

Voilà pourquoi je suis si peu disposé à vous conter, aujourd’hui lundi, le nouvel opéra-comique. L’idylle d’hier m’a stupéfié. A demain donc… Vieux gredin !… Elle l’a dit.

C’est une enfant !

Mardi, 23 juillet.

Il est toujours fort triste de s’occuper d’opéras-comiques le mardi, par cette raison seule que le mardi est le lendemain du lundi. Les jours se suivant sans se ressembler, il est de toute évidence que si l’on a été mélancolique le lundi, on doit sentir une gaieté quelconque arriver le mardi. Et il n’y a pas de plus terrible rabat-joie qu’une analyse de tels ouvrages à faire, pour celui qui l’écrit ; si ce n’est cette même analyse faite pour celui qui la lit. Or, je ne cesse de rire depuis ce matin d’un accident arrivé vendredi dernier à M. Érard, et dont tout le quartier du Conservatoire de musique s’entretient encore. Il faut, vous l’avouerez, qu’il s’agisse d’un événement prodigieux pour qu’il préoccupe si longtemps l’attention publique. C’est d’un prodige, en effet, qu’il s’agit, prodige fatal à un homme célèbre, et que pourtant je ne puis m’empêcher de trouver fort divertissant. C’est mal, j’en conviens. La fréquentation des enfants de Montmorency m’aurait-elle déjà corrompu ?…

Voici le fait dans toute son inexplicable et effrayante simplicité.

Les concours du Conservatoire ont commencé la semaine dernière. Le premier jour, M. Auber, décidé, comme on dit, à attaquer le taureau par les cornes, a fait concourir les