Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/272

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parés de leurs habits neufs, venaient occuper leurs places avec une joie grave exempte de turbulence, mais où l’on pouvait observer un peu de fierté, j’entendais mes voisins anglais dire entre eux : « Quelle scène ! quelle scène ! !… » et mon émotion était profonde quand les six mille cinq cents petits chanteurs étant enfin assis, la cérémonie commença.

Après un accord de l’orgue, s’est alors élevé en un gigantesque unisson le premier psaume chanté par ce chœur inouï :

All people that on earth do dwell Sing to the Lord with cheerful voice.

(Le peuple entier qui sur la terre habite Chante au Seigneur d’une joyeuse voix.)

Inutile de chercher à vous donner une idée d’un pareil effet musical. Il est à la puissance et à la beauté des plus excellentes masses vocales que vous ayez jamais entendues, comme Saint-Paul de Londres est à une église de village, et cent fois plus encore. J’ajoute que ce choral, aux larges notes et d’un grand caractère, est soutenu par de superbes harmonies dont l’orgue l’inondait sans pouvoir le submerger. J’ai été agréablement surpris d’apprendre que la musique de ce psaume, pendant longtemps attribuée à Luther, est de Claude Goudimel, maître de chapelle à Lyon au XVIe siècle.

Malgré l’oppression et le tremblement que j’éprouvais, je tins bon, et sus me maîtriser assez pour pouvoir faire une partie dans les psaumes récités sans mesure (reading psalms) que le chœur des chantres musiciens eut à exécuter en second lieu. Le Te Deum de Boyce (écrit en 1760), morceau sans caractère, chanté par les mêmes, acheva de me calmer. A l’antienne du couronnement, les enfants se joignant au petit chœur de l’orgue de temps en temps, et seulement pour lancer de solennelles exclamations telles que : God save the king ! — Long live the king ! — May the king live for ever ! — Amen ! Hallelujah ! l’électrisation recommença. Je me mis à compter beaucoup de pauses, malgré les soins de mon voisin qui me montrait à chaque instant sur sa partie la mesure où on en était, pensant que je m’étais perdu. Mais au