Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/275

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amphithéâtres qui lui font face, et ne sert guère qu’à indiquer le commencement des morceaux, la plupart des chanteurs ne pouvant le voir et les autres ne daignant presque jamais le regarder.

Le résultat prodigieux de cet unisson est dû, selon moi, à deux causes : au nombre énorme et à la qualité de voix d’abord, ensuite à la disposition des chanteurs en amphithéâtres très-élevés. Les réflecteurs et les producteurs du son se trouvent dans de bonnes proportions relatives, l’atmosphère de l’église, attaquée par tant de points à la fois, en surface et en profondeur, entre alors tout entière en vibrations, et son retentissement acquiert une majesté et une force d’action sur l’organisation humaine que les plus savants efforts de l’art musical, dans les conditions ordinaires, n’ont point encore laissé soupçonner. J’ajouterai, mais d’une façon conjecturale seulement, que, dans une circonstance exceptionnelle comme celle-là, bien des phénomènes insaisissables doivent avoir lieu, qui se rattachent aux mystérieuses lois de l’électricité.

Je me demande maintenant si la cause de la différence notable qui existe entre la voix des enfants élevés par charité à Londres et celle de nos enfants pauvres de Paris, ne serait point due à l’alimentation, abondante et bonne chez les premiers, insuffisante et de mauvaise qualité chez les seconds. Cela est très-probable. Ces enfants anglais sont forts, bien musclés, et n’offrent rien de l’aspect souffreteux et débile que présente à Paris la jeune population ouvrière, épuisée par un mauvais régime alimentaire, le travail et les privations. Il est tout naturel que les organes vocaux participent chez nos enfants de l’affaiblissement du reste de l’organisme, et que l’intelligence même puisse s’en ressentir.

En tout cas, ce ne sont pas les voix seulement qui manqueraient aujourd’hui pour révéler à Paris, d’une aussi étonnante façon, la sublimité de la musique monumentale. Ce qui manquerait d’abord, c’est la cathédrale aux gigantesques proportions (l’église de Notre-Dame elle-même ne conviendrait pas) ; c’est, hélas ! aussi la foi dans l’art ; c’est un élan direct et chaleureux vers lui ; c’est le calme, la patience, la