Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/280

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ainsi la retraite et que je me gardai de trahir, était le seul qui eût survécu. C’est le Joas de son peuple, me dis-je,

Et je le sauverai des fureurs d’Athalie.

Comme je prononçais ce vers remarquable, à l’instant même improvisé, un bruit assez semblable au bruit de la pluie se répandit sous les vastes galeries : c’étaient les jets d’eau et les fontaines auxquels leurs gardiens venaient de donner la volée. Les châteaux de cristal, les rochers factices, vibraient sous le ruissellement de leurs perles liquides ; les policemen, ces bons gendarmes sans armes, que chacun respecte avec tant de raison, se rendaient à leur poste ; le jeune apprenti de M. Ducroquet s’approchait de l’orgue de son patron, en méditant la nouvelle polka dont il allait nous régaler ; les ingénieux fabricants de Lyon venaient achever leur admirable étalage ; les diamants, prudemment cachés pendant la nuit, reparaissaient scintillants sous leur vitrine ; la grosse cloche irlandaise en ré bémol mineur, qui trônait dans la galerie de l’est, s’obstinait à frapper un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit coups, toute fière de ne point ressembler à sa sœur de l’église d’Albany street, qui donne une résonnance de tierce majeure. Le silence m’avait tenu éveillé, ces rumeurs m’assoupirent ; le besoin de sommeil devenait irrésistible ; je vins m’asseoir devant le grand piano d’Érard, cette merveille musicale de l’Exposition ; je m’accoudai sur son riche couvercle, et j’allais m’endormir, quand Thalberg me frappant sur l’épaule : « Eh, confrère ! le jury se rassemble. Allons ! de l’ardeur ! nous avons aujourd’hui trente-deux tabatières à musique, vingt-quatre accordéons et treize bombardons à examiner. »

(Les musiciens, que mon récit paraît avoir intéressés, gardent le silence et semblent attendre que je continue.)

Je ne puis comparer à l’effet de l’unisson gigantesque des enfants de Saint-Paul que celui des belles harmonies religieuses écrites par Bortniansky pour la chapelle impériale