Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/301

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madame M***, je ne vois pas qui pouvait paraître supportable parmi les chanteurs d’hier soir. (Se tournant vers moi.) Y en a-t-il jamais eu de réellement dignes de leurs rôles à Paris ? — Oui, Dérivis père, qui n’était point chanteur, faisait pourtant bien comprendre l’Oreste de Gluck ; madame Branchu fut une incomparable Iphigénie, et Adolphe Nourrit m’a bien souvent électrisé dans le rôle de Pylade. La risible mollesse de votre ténor pastoral ne peut vous avoir laissé apercevoir l’exaltation héroïque de l’air « Divinité des grandes âmes » dans lequel Nourrit n’a jamais été égalé. — Oh ! certes, nous avons dû deviner beaucoup de choses, il est vrai, mais quoi de plus difficile à bien rendre que de pareils ouvrages ?… On n’attribuera pas pourtant l’effet qu’a produit l’Iphigénie chez nous aux décors ni à la mise en scène. — Non certes, s’écrient plusieurs musiciens, car cette fois la ladrerie de notre théâtre, qui se donne toujours carrière quand il s’agit des anciens chefs-d’œuvre, a été poussée jusqu’à l’inconvenance, jusqu’au cynisme ! — Combien coûtent les décors de la vilenie qu’on représente ce soir ? — Quatre mille thalers !… — Très-bien. Aux laides femmes le luxe des atours. La nudité ne convient qu’aux déesses.