Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/410

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rapports. Dans le duo entre Jacob et Benjamin : « O toi, le digne appui d’un père ! » on trouve des réminiscences assez fortes d’Œdipe à Colonne ; réminiscences amenées sans doute dans l’esprit de Méhul par la similitude de situation et de sentiments qu’offre ce duo avec plusieurs parties de l’opéra de Sacchini. (Œdipe à Colonne est de Sacchini.)

Méhul a écrit encore beaucoup d’autre musique que celle des opéras que je viens d’énumérer. Il a fait ou plutôt arrangé trois partitions de ballets : le Jugement de Pâris, la Dansomanie et Persée et Andromède. Il a composé des chœurs et une bonne ouverture pour la tragédie de Joseph Chénier, Timoléon, plusieurs symphonies, un grand nombre de morceaux pour le solfége du Conservatoire, des cantates, des opéras dont je m’abstiens de citer les titres, puisqu’ils ne furent point représentés ; des opéras de circonstance, tels que le Pont de Lodi, et d’autres pour lesquels il eut des collaborateurs ; une scène à deux orchestres, dont le second imite canoniquement le premier comme un écho, exécutée au Champ-de-Mars dans une fête publique à l’occasion de la victoire de Marengo ; il a fait la musique d’un mélodrame pour le théâtre de la Porte Saint-Martin, et des chansons patriotiques, entre autres le Chant du Départ (« La victoire en chantant »), dont la popularité s’est maintenue à côté de celle de la Marseillaise.

Méhul mourut le 18 octobre 1817, à l’âge de cinquante-quatre ans. Il avait, dit-on, une conversation attachante, de l’esprit, de l’instruction, et le goût de l’horticulture et des fleurs. Son système en musique, si tant est que l’on puisse appeler système une doctrine semblable, était le système du gros bon sens, si dédaigné aujourd’hui. Il croyait que la musique de théâtre ou toute autre destinée à être unie à des paroles doit offrir une corrélation directe avec les sentiments exprimés par ces paroles ; qu’elle doit même quelquefois, lorsque cela est amené sans effort et sans nuire à la mélodie, chercher à reproduire l’accent de voix, l’accent déclamatoire, si l’on peut ainsi dire, que certaines phrases, que certains mots appellent, et que l’on sent être celui de la nature ; il