Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/412

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d’idées ; il faisait de la musique excellente, vraie, agréable, belle, émouvante, mais sage jusqu’au rigorisme. Sa muse possède l’intelligence, l’esprit, le cœur et la beauté ; mais elle garde des allures de ménagère, sa robe grise manque d’ampleur, elle adore la sainte économie.

C’est ainsi que dans Joseph et dans Valentine de Milan, la simplicité est poussée jusqu’à des limites qu’il est dangereux de tant approcher. Dans Joseph aussi, comme dans la plupart de ses autres partitions, l’orchestre est traité avec un tact parfait, un bon sens extrêmement respectable ; pas un instrument n’y est de trop, aucun ne laisse entendre une note déplacée ; mais ce même orchestre, dans sa sobriété savante, manque de coloris, d’énergie même, de mouvement, de ce je ne sais quoi qui fait la vie. Sans ajouter un seul instrument à ceux que Méhul employa, il y avait moyen, je le crois, de donner à leur ensemble les qualités qu’on regrette de ne pas y trouver. J’ai hâte d’ajouter que ce défaut, s’il est réel, me paraît mille fois préférable à l’abominable et repoussant travers qu’il faut renoncer à corriger chez la plupart des compositeurs dramatiques modernes, et grâce auquel l’art de l’instrumentation fait trop souvent place, dans les orchestres de théâtre, à des bruits grossiers et ridicules, grossièrement et ridiculement placés, ennemis de l’expression et de l’harmonie, exterminateurs des voix et de la mélodie, propres seulement à marquer davantage des rhythmes d’une vulgarité déplorable, destructeurs même de l’énergie, malgré leur violence ; car l’énergie du son n’est que relative et ne résulte que des contrastes habilement ménagés ; bruits qui n’ont rien de musical, qui sont une critique permanente de l’intelligence et du goût du public capable de les supporter, et qui ont enfin rendu nos orchestres de théâtre les émules de ceux que font entendre dans les foires de village les saltimbanques et les marchands d’orviétan.


Avouez-le, malgré votre haute estime pour Méhul et ses œuvres, vous ne saviez pas tout cela. Et c’est à Angélique et