Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/418

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où l’on vient raconter ses derniers moments. Sachez qu’il fut le favori de la reine Élisabeth, qu’il est l’idéal du bouffon anglais, du gascon anglais, du matamore anglais ; qu’il faut voir en lui le vrai polichinelle anglais, le représentant de cinq ou six péchés capitaux ; que gourmandise, paillardise, couardise, sont ses qualités dominantes ; que, malgré son obésité, sa rotondité, sa ladrerie et sa poltronnerie, il ensorcelle des femmes et leur fait mettre en gage leur argenterie pour satisfaire ses appétits gloutons ; que Shakespeare l’a donné au prince Henri pour compagnon de ses orgies et de ses escapades nocturnes dans les rues de Londres ; lequel prince permet à Falstaff de traiter Son Altesse avec la plus incroyable familiarité ; jusqu’au moment où devenu roi sous le nom de Henri V, et désireux de faire oublier les folies de sa jeunesse, le Royal Hal, comme Falstaff a l’insolence de l’appeler par abréviation, interdit l’accès de sa cour à son gros compagnon de débauches et l’envoie en exil. Sachez enfin que cet incomparable cynique, auquel on s’intéresse malgré soi et dont la triste fin vous tire presque des larmes, obligé de prendre part à une grande bataille, à la tête d’une bande de vagabonds dépenaillés dont il est le capitaine, s’enfuit au moment de l’action et prononce dans le réduit où il est allé se cacher le monologue que voici :

Honour pricks me on. Yea, but how, if honour prick me off when I come on ? how then ? can honour set to a leg ? No. Or an arm ? No. Or take away the grief of a wound ? No. Honour hath no skill in surgery then ? No. What is honour ? A Word. Wath is in that word, honour ? Wat is that honour ? Air. A trim reckoning ! — Who hath it ? He that died o’ Wednesday. Doth he feel it ? No. Doth he hear it ? No. Is it insensible then ? Yea, to the dead. But will it not live with the living ? No. Why ? Detraction will not suffer it. — Therefore I’ll none of it : Honour is a mere scutcheon, and so ends my catechism.

J’ai transcrit l’original de ce discours célèbre, pour ceux d’entre vous, Messieurs, qui ne savent pas l’anglais et qui voudraient se donner l’air de le savoir. Mais en voici la