Page:Berlioz - Les Soirées de l’orchestre, 1854.djvu/97

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premier. Ils vont le soir dans les théâtres, et même ailleurs aussi, applaudir, sous la direction d’un chef et de ses lieutenants, les artistes et les œuvres que ce chef s’est engagé à soutenir.

Il y a bien des manières d’applaudir.

La première, ainsi que vous le savez tous, consiste à faire le plus de bruit possible en frappant les deux mains l’une contre l’autre. Et dans cette première manière, il y a encore des variétés, des nuances : le bout de la main droite frappant dans le creux de la gauche, produit un son aigu et retentissant que préfèrent la plupart des artistes ; les deux mains appliquées l’une contre l’autre sont, au contraire, d’une sonorité sourde et vulgaire ; il n’y a que des élèves claqueurs de première année, ou des garçons barbiers, qui applaudissent ainsi.

Le claqueur ganté, habillé en dandy, avance ses bras avec affectation hors de sa loge, et applaudit lentement presque sans bruit, et pour les yeux seulement ; il dit ainsi à toute la salle : « Voyez ! Je daigne applaudir. »

Le claqueur enthousiasmé (car il y en a) applaudit, vite, fort et longtemps : sa tête, pendant l’applaudissement, se tourne à droite et à gauche ; puis ces démonstrations ne lui suffisant plus, il trépigne, il crie : « Bravô ! bravô » (remarquez bien l’accent circonflexe de l’o) ou : « Bravà ! » (celui-là est le savant, il a fréquenté les Italiens, il sait distinguer le féminin du masculin,) et redouble de clameurs au fur et à mesure que le nuage de poussière que ses trépignements soulèvent augmente d’épaisseur.

Le claqueur déguisé en vieux rentier ou en colonel en retraite, frappe le plancher du bout de sa canne d’un air paterne et avec modération.

Le claqueur violoniste, car nous avons beaucoup d’artistes dans les orchestres de Paris, qui, pour faire leur cour, soit au directeur de leur théâtre, soit à leur chef d’orchestre, soit à une cantatrice aimée et puissante, s’enrégimentent momentanément dans l’armée romaine ; le claqueur violoniste, dis-je, frappe avec le bois de son archet sur le corps de son violon. Cet applaudissement, plus rare que les autres, est, en