Mon père (Louis Berlioz) était médecin. Il ne m’appartient pas d’apprécier
son mérite. Je me bornerai à dire de lui : Il inspirait une très-grande confiance,
non-seulement dans notre petite ville, mais encore dans les villes voisines. Il
travaillait constamment, croyant la conscience d’un honnête homme engagée
quand il s’agit de la pratique d’un art difficile et dangereux comme la médecine,
et que, dans la limite de ses forces, il doit consacrer à l’étude tous ses instants,
puisque de la perte d’un seul peut dépendre la vie de ses semblables. Il a
toujours honoré ses fonctions en les remplissant de la façon la plus désintéressée, en
bienfaiteur des pauvres et des paysans, plutôt qu’en homme obligé de vivre de
son état. Un concours ayant été ouvert en 1810 par la société de médecine de
Montpellier sur une question neuve et importante de l’art de guérir, mon père
écrivit à ce sujet un mémoire qui obtint le prix. J’ajouterai que son livre fut
imprimé à Paris[1] et que plusieurs médecins célèbres lui ont emprunté des
idées sans le citer jamais. Ce dont mon père, dans sa candeur, s’étonnait, en
ajoutant seulement : « Qu’importe, si la vérité triomphe ! » Il a cessé d’exercer depuis longtemps, ses forces ne le lui permettent plus. La lecture et la méditation
occupent sa vie maintenant.
Il est doué d’un esprit libre. C’est dire qu’il n’a aucun préjugé social, politique ni religieux. Il avait néanmoins si formellement promis à ma mère de ne rien tenter pour me détourner des croyances regardées par elle comme indis-
- ↑ Mémoire sur les maladies chroniques, les évacuations sanguines et l’acupuncture. Paris, chez Crouillebois.