Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/246

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le Gymnase musical, et nos trois théâtres lyriques, et les églises, et les écoles de chant ! Avec ces éléments dispersés et au moyen d’un triage intelligent, on formerait, sinon un chœur irréprochable (les voix ne sont pas assez exercées), au moins un orchestre sans pareil ! Pour parvenir à faire entendre aux Parisiens un si magnifique ensemble de huit à neuf cents musiciens, il ne manque que deux choses : un local pour les placer, et un peu d’amour de l’art pour les y rassembler. Nous n’avons pas une seule grande salle de concert ! Le théâtre de l’Opéra pourrait en tenir lieu, si le service des machines et des décors, si les travaux quotidiens, rendus indispensables par les exigences du répertoire, en occupant la scène presque chaque jour, ne rendaient à peu près impossibles les dispositions nécessaires aux préparatifs d’une telle solennité. Puis trouverait-on les sympathies collectives, l’unité de sentiment et d’action, le dévouement et la patience, sans lesquels on ne produira jamais, en ce genre, rien de grand ni de beau ? Il faut l’espérer, mais on ne peut que l’espérer. L’ordre exceptionnel établi dans les répétitions de la Société du Conservatoire, et l’ardeur des membres de cette société célèbre, sont universellement admirés. Or, on ne prise si fort que les choses rares... Presque partout en Allemagne, au contraire, j’ai trouvé l’ordre et l’attention joints à un véritable respect pour le maître ou pour les maîtres. Il y en a plusieurs, en effet : l’auteur d’abord, qui dirige lui-même presque toujours les répétitions et l’exécution de son ouvrage, sans que l’amour-propre du chef d’orchestre en soit en rien blessé, — le maître de chapelle, qui est généralement un habile compositeur et dirige les opéras du grand répertoire, toutes les productions musicales importantes dont les auteurs sont ou morts ou absents, — et le maître de concert qui, dirigeant les petits opéras et les ballets, joue en outre la partie de premier violon, quand il ne conduit pas, et transmet, en ce cas, les ordres et les observations du maître de chapelle aux points extrêmes de l’orchestre, surveille les détails matériels des études, a l’œil à ce que rien ne manque à la musique ni aux instruments, et indique quelquefois les coups d’archet ou la manière de phraser les mélodies et les traits, tâche interdite au maître de chapelle, car celui-ci conduit toujours au bâton.

Sans doute, il doit y avoir aussi en Allemagne, dans toutes ces agglomérations de musiciens d’inégale valeur, bien des vanités obscures, insoumises et mal contenues ; mais je ne me souviens pas (à une seule exception près) de les avoir vues lever la tête et prendre la parole ; peut-être est-ce parce que je n’entends pas l’allemand.

Pour les directeurs de chœurs, j’en ai trouvé très peu d’habiles ; la plupart sont de mauvais pianistes ; j’en ai même rencontré un qui ne jouait pas du piano du tout, et donnait les intonations en frappant sur les touches avec deux doigts de la main droite seulement. Et puis on a encore en Allemagne, comme chez nous, conservé l’habitude de réunir toutes les voix du chœur dans le même