été par trop naïf ; inviter moi-même les artistes dont j’avais besoin, je n’en connaissais personnellement aucun ; recourir à l’assistance de la chapelle royale, sous l’égide de mon maître, il avait formellement déclaré la chose impossible[1]. Ce fut alors que mon ami Humbert Ferrand, dont je parlerai bientôt plus au long, conçut la pensée passablement hardie de me faire écrire à M. de Chateaubriand, comme au seul homme capable de comprendre et d’accueillir une telle demande, pour le prier de me mettre à même d’organiser l’exécution de ma messe en me prêtant 1, 200 francs. M. de Chateaubriand me répondit la lettre suivante :
Paris, le 31 décembre 1824.
« Vous me demandez douze cents francs, Monsieur ; je ne les ai pas ; je vous les enverrais, si je les avais. Je n’ai aucun moyen de vous servir auprès des ministres[2]. Je prends, Monsieur, une vive part à vos peines. J’aime les arts et honore les artistes ; mais les épreuves où le talent est mis quelquefois le font triompher, et le jour du succès dédommage de tout ce qu’on a souffert.
» Recevez, Monsieur, tous mes regrets ; ils sont bien sincères !
» chateaubriand. »
VIII
Mon découragement devint donc extrême ; je n’avais rien de spécieux à répliquer aux lettres dont mes parents m’accablaient ; déjà ils menaçaient de
- ↑ Je ne compris point alors pourquoi. À coup sûr, Lesueur, demandant à la chapelle royale tout entière de venir à l’église de Saint-Roch ou ailleurs, exécuter l’ouvrage d’un de ses élèves, eût été parfaitement accueilli. — Mais il craignit sans doute que mes condisciples ne réclamassent à leur tour une faveur semblable, et dès lors l’abus devenait évident.
- ↑ Il paraît que j’avais en outre prié M. de Chateaubriand de me recommander aux puissances du jour. Quand on prend du galon, dit le proverbe, on n’en saurait trop prendre.