Page:Berlioz - Traité d’instrumentation et d’orchestration.djvu/110

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On voit par ce tableau que si tous les instruments non transpositeurs appelés en Ut, font entendre leurs sons tels qu’on les écrit, ceux, comme le Violon, le Hautbois, la Flûte & qui ne portent point de désignation de ton, sont absolument dans le même cas : Ils sont donc pour le compositeur semblables sur ce point aux instruments en Ut. Or la dénomination de quelques instruments à vent, basée sur la résonnance naturelle de leur tube a amené les plus singulières et les plus absurdes conséquences ; elle a fait de l’art d’écrire les instruments transpositeurs une tâche fort compliquée, et rendu parfaitement illogique le vocabulaire musical. C’est donc ici le lieu de retenir sur cet usage et de remettre de l’ordre là où nous en trouvons si peu.

Les exécutants disent quelquefois : en parlant du Trombone ténor : le Trombone en Si , en parlant du Trombone alto : le Trombone en Mi , et plus souvent encore, en parlant de la Flûte ordinaire : la Flûte en .

Ces désignations sont justes en ce sens que le tube de ces deux trombones avec la coulisse fermée, fait entendre en effet pour l’un, les notes de l’accord de Si , pour l’autre, celles de l’accord de Mi  ; la flûte ordinaire avec ses trous bouchés et toutes ses clefs fermées, donne également la note . Mais comme les exécutants, n’ont aucun égard à cette résonnance du tube, comme ils produisent réellement les notes écrites, comme l’Ut d’un trombone ténor est un Ut et non un Si , comme celui du trombone alto est encore un Ut et non un Mi , comme celui de la Flûte est également un Ut et non un , il s’ensuit évidemment que ces instruments ne sont pas, ou ne sont plus dans la catégorie des instruments transpositeurs, qu’ils appartiennent en conséquence à celle des non transpositeurs, et qu’ils sont censés être en Ut, comme les Hautbois, comme les Clarinettes, les Cors, Cornets et Trompettes en Ut, et qu’il ne faut leur appliquer aucune désignation de ton, ou leur donner celle d’Ut. Ceci établi, on concevra de quelle importance il était de ne pas appeler la flûte ordinaire, flûte en  ; les autres flûtes, plus aiguës que celle-ci, ayant été désignées d’après la différence existant entre leur diapason et celui de la flûte ordinaire, on en est venu, au lieu de dire simplement : Flûte tierce, Flûte neuvième, ce qui au moins n’eut point mis de confusion dans les termes, à appeler ces instruments, Flûte en Fa, Flûte en Mi . Et voyez où cela conduit ! dans une partition, la petite Clarinette en Mi , dont l’Ut fait bien réellement Mi , peut exécuter la même partie qu’une flûte tierce que vous appelez en Fa, et ces deux instruments, portant des noms de tons divers, sont cependant à l’unisson. La dénomination de l’un ou de l’autre n’est-elle pas fausse ? et n’est-il pas absurde d’adopter uniquement pour les flûtes un mode d’appellation et de désignation de tons, différents de celui en usage pour tous les autres instruments ?

De là le principe que je propose et qui rend impossible toute fausse interprétation : Le ton d’Ut est le point de comparaison qu’on doit prendre pour spécifier les tons des instruments transpositeurs. La résonnance naturelle du tube des instruments à vent non transpositeurs ne peut jamais être prise en considération.

Tout instrument non transpositeur ou ne transposant qu’à l’octave, dont par conséquent l’Ut écrit donne Ut, est considéré comme étant en Ut.

Par suite, si un instrument de la même espèce est accordé au-dessus ou au-dessous du diapason de l’instrument type, cette différence sera désignée d’après le rapport qui existe entre elle et le ton d’Ut. En conséquence le Violon, la Flûte, le Hautbois, qui jouent à l’unisson de la Clarinette en Ut, de la trompette en Ut, du cor en Ut, sont en Ut et si l’on emploie un violon, une flûte, un hautbois, accordés plus haut d’un ton que les instruments ordinaires de ce nom, ce Violon, cette Flûte, ce Hautbois, jouant alors à l’unisson des Clarinettes en et des Trompettes en , sont en Ré.

D’où je conclus qu’il faut, pour les flûtes, abolir l’ancienne manière de les désigner, ne plus appeler Flûte en Fa la Flûte tierce, mais bien flûte en Mi , puisque son Ut fait Mi , ni flûtes en Mi , les flûtes neuvième et seconde mineure mais bien grande ou petite flûte en , puisque leur Ut fait  ; et ainsi de suite pour les autres tons.