Un procédé avantageux dont je ne connais qu’un seul exemple, consiste à faire trois ou quatre cors en différents tons se succéder pour l’exécution d’un solo chantant. Chacun d’eux prenant ainsi dans la phrase les notes qui correspondent à ses sons ouverts, il en résulte, si les fragments mélodiques sont adroitement enchaînés les uns aux autres, un chant qui à l’air d’être exécuté par un seul cor dont presque toutes les notes sont égales et ouvertes.
J’ai dit que le cor etait un instrument noble et mélancolique, malgré ces Joyeuses fanfares de chasse qu’on cite si souvent. En effet, la gaité de ces airs résulte plutôt de la mélodie elle-même que du timbre des cors ; les fanfares de chasse ne sont vraiment joyeuses que si elles sont jouées sur des trompes, instrument peu musical, dont le son strident, tout en dehors, ne ressemble point à la voix chaste et réservée des cors. En forçant d’une certaine manière l’émission de l’air dans le tube du cor, on arrive cependant à le faire ressembler à la trompe ; c’est ce qu’on appelle faire cuivrer les sons.
Cela peut être quelquefois d’un excellent effet, même sur des notes bouchées. Quand il s’agit de forcer des notes ouvertes, les compositeurs exigent ordinairement, pour donner au son toute la rudesse possible, que les exécutants lèvent les pavillons ; ils indiquent alors la position de l’instrument par ces mots : Pavillons en l’air. On trouve un magnifique exemple de l’emploi de ce moyen, dans l’explosion finale du duo d’Euphrosine et Corardin, de Méhul « Gardez vous de la jalousie ! » Encore sous l’impression de l’horrible cri des cors, Grétry répondit un jour à quelqu’un qui lui demandait son opinion sur ce foudroyant duo : « C’est à ouvrir la voute du théâtre avec le crâne des auditeurs ! »