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48 VOYAGE MUSICAL

à Java , il échappa , par la force de sa constitution , et lui neuvième , disait-il, aux fièvres pestilentielles qui avaient enlevé tout l’équipage. J’ai toujours beaucoup aimé les vieux voyageurs, pourvu qu’ils eussent quelque histoire lointaine à me raconter. En pareil cas, je les écoute avec une attention calme et une inexplicable patience. Je les suis dans toutes leurs digressions, dans les dernières ramifications des épisodes de leurs épisodes ; et, quand le narrateur, voulant trop tard revenir au sujet principal et ne sachant quel chemin prendre, se frappe le front pour ressaisir le fil rompu de son histoire en disant : « Mon Dieu, où en étais-je donc ?...,» je suis heureux de le remettre sur la piste de son idée, de lui jeter le nom qu’il cherchait, la date qu’il avait oubliée, et c’est avec une véritable satisfaction que je l’entends s’écrier, tout joyeux : «Ah ! oui, oui, j’y suis, m’y voilà.» Aussi étions-nous fort bons amis , le père Pingard et moi ; il m’avait estimé tout d’abord, à cause du plaisir que je trouvais à lui parler deBatavia,de Célèbes, d’Amboyne, de la côte de Coromandel, de Bornéo, de Sumatra ; parce que je l’avais questionné plusieurs fois avec curiosité sur les femmes Javanaises, dont l’amour est fatal aux Européens, et avec lesquelles le gaillard avait fait de si terribles fredaines, que la consomption avait un instant paru vouloir réparer à son égard la négligence