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LA VILLE AUX ILLUSIONS

penser sans que tout se brouille devant, ses yeux comme tout à l’heure… C’était le premier moment de la surprise ; maintenant, il serait fort…

— Voyons ! reprenait justement Arlette en se penchant vers lui, pouvez-vous m’écouter maintenant ? Est-ce l’annonce de mes fiançailles qui vous a bouleversé à ce point ?

Il secoua la tête, incapable de répondre.

— J’espère que non ! reprit-elle en riant. Vous deviez bien vous attendre à cela, d’un jour à l’autre, je pense, et mon mariage n’était qu’une question de temps… Je sais bien que vous avez une prévention injustifiée contre Bernard… Il est pourtant charmant…

Il se leva tout droit, incapable d’en entendre davantage.

— Quoi ? Vous partez déjà ? s’écria-t-elle. Oh ! mais nous n’avons pas eu le temps de causer encore !

— Je pense, fit-il, les dents serrées, qu’une conversation plus longue entre nous est inutile ?

Elle cessa de rire et brusquement, ses yeux se durcirent.

— Voyons, Jean, qu’est-ce que vous avez ? Est-ce que, par hasard, vous seriez jaloux pour de bon ?

Il leva vers elle un regard qui eût attendri un tigre.

— Je souffre… murmura-t-il simplement.

— Vous souffrez ! vous souffrez ! Est-ce ma faute à moi ? Pourquoi prendre un simple flirt au sérieux, voyons ? Avez-vous pensé qu’il pût jamais exister quelque chose comme un engagement entre nous ? Ce serait grotesque !

— C’est vrai ! ce serait grotesque ! gronda-t-il.

— Vous m’avez dit un jour que vous m’aimiez. J’ai accueilli cet aveu en plaisantant, car je savais bien que ce ne pouvait être là qu’un sentiment sans conséquence. Vous ai-je promis quelque chose, moi ?

— Non ! répondit-il, d’une voix sourde, et je vois bien que c’est moi qui suis ridicule !