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Page:Bernanos - Œuvres, tome 6 - Un crime ; Monsieur Ouine, 1947.djvu/137

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TROISIÈME PARTIE.



I.



L’unique fenêtre de la ridicule petite maison s’ouvrait sur l’abîme d’où montait l’odeur du fleuve pourrissant que les dernières pluies d’automne avaient gonflé d’une argile livide, pleine de débris végétaux. À deux cents pieds plus bas, la Bidassoa roulait furieusement vers la mer les restes du flamboyant été basque, ainsi qu’un décor brisé. Mais la force du courant ne se marquait qu’aux longues traînées d’écume, et n’eût été le monotone grondement renvoyé de l’une à l’autre des vertigineuses falaises, l’énorme masse d’eau entraînée par son poids eût paru immobile et morte.

– C’est encore M. l’abbé, dit Mme Pouce.

Une fois de plus, elle parcourut du regard la pièce nue grossièrement blanchie, les dalles disjointes posées à même le roc et pourtant toujours suintantes, la cheminée trop large où le bois siffle et crache avant de pousser vers le haut une mince langue de flamme, fourchue comme celle d’une vipère, le lit de chêne vermoulu pour lequel on n’a pas trouvé de couverture assez large, les poutres du plafond si imprégnées de la suie résineuse des bûches de pin qu’elles ont le luisant de l’anthracite, l’échelle de planches qui débouche par une trappe, dans la soupente, l’étroit grenier à peine clos où ce prêtre inconnu a voulu qu’on dressât pour son neveu un lit de fer emprunté à l’hôtel et qui avec son édredon rouge garde sous les tuiles du toit, parmi les chevrons et les poutres tapissées de toiles d’araignée, son air honnête et bourgeois. Singulier caprice ! L’hôtel du Lion d’Argent n’est pas riche, soit. Mais en cette saison, la clientèle est rare et même, depuis le départ du prétendu