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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/121

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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

définir, une véritable hémorragie de l’âme. Je m’éveillais brusquement avec, dans l’oreille, un grand cri — mais est-ce encore ce mot-là qui convient ? Évidemment non.

Aussitôt surmonté l’engourdissement du sommeil, dès que je pouvais fixer ma pensée, le calme revenait en moi d’un seul coup. La contrainte que je m’impose habituellement pour dominer mes nerfs est sans doute beaucoup plus grande que je m’imagine. Cette idée m’est douce après l’agonie de ces dernières heures, car cet effort que je fais presque à mon insu, et dont par conséquent je ne puis tirer aucune satisfaction d’amour-propre, Dieu le mesure.

Comme nous savons peu ce qu’est réellement une vie humaine ! La nôtre. Nous juger sur ce que nous appelons nos actes est peut-être aussi vain que de nous juger sur nos rêves. Dieu choisit, selon sa justice, parmi ce tas de choses obscures, et celle qu’il élève vers le Père dans le geste de l’ostension, éclate tout à coup, resplendit comme un soleil.

N’importe. J’étais si épuisé ce matin que j’aurais donné je ne sais quoi pour une parole humaine de compassion, de tendresse. J’ai pensé courir jusqu’à Torcy. Mais j’avais justement, à onze heures, le catéchisme des enfants. Même en bicyclette, je n’aurais pu revenir à temps.

Mon meilleur élève est Sylvestre Galuchet, un petit garçon pas très propre (sa maman est morte, et il est élevé par une vieille