Mitonnet est venu ce soir comme d’habitude. Il souffre un peu du côté, se plaint d’étouffements et tousse beaucoup. Au moment de lui parler, le dégoût m’a saisi, une sorte de froid, je l’ai laissé à son travail (il remplace fort adroitement quelques lames pourries du parquet), je suis allé faire les cent pas sur la route. Au retour, je n’avais encore rien décidé, bien entendu. J’ai ouvert la porte de la salle. Occupé à raboter ses planches, il ne pouvait ni me voir, ni m’entendre. Il s’est pourtant retourné brusquement, nos regards se sont croisés. J’ai lu dans le sien la surprise, puis l’attention, puis le mensonge. Non pas tel ou tel mensonge, la volonté du mensonge. Cela faisait comme une eau trouble, une boue. Et enfin — je le fixais toujours, la chose n’a duré qu’un instant, quelques secondes peut-être, je ne sais la vraie couleur du regard est apparue de nouveau, sous cette lie. Cela ne peut se décrire. Sa bouche s’est mise à trembler. Il a ramassé ses outils, les a soigneusement roulés dans un morceau de toile, et il est sorti sans un mot.
J’aurais dû le retenir, l’interroger. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais détacher les yeux de sa pauvre silhouette, sur la route. Elle s’est d’ailleurs redressée peu à peu, et même en passant près de la maison Degas, il a soulevé sa casquette d’un geste très crâne. Vingt pas plus loin, il a dû siffler une de ces chansons qu’il aime, d’affreuses rengaines sentimentales, dont il a soigneuse-