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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/185

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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

savais que je ne trouverais personne. Tout cela me semble encore un rêve, mais dont chaque détail m’apparaît si clairement, dans une espèce de lumière intérieure, d’illumination glacée qui ne laisse aucun coin d’ombre où je puisse trouver quelque sécurité, quelque repos… C’est ainsi qu’au delà de la mort, l’homme doit se revoir lui-même. Ah ! oui, qu’ai-je fait !

Voilà des semaines que je ne priais plus, que je ne pouvais plus prier. Je ne pouvais plus ? qui sait ? Cette grâce des grâces se mérite comme une autre, et je ne la méritais plus, sans doute. Enfin, Dieu s’était retiré de moi, de cela, du moins, je suis sûr. Dès lors, je n’étais plus rien, et j’ai gardé pour moi seul ce secret ! Bien plus : je me faisais une gloriole de ce silence gardé, je le trouvais beau, héroïque. Il est vrai que j’ai tenté de voir M. le curé de Torcy. Mais c’est aux genoux de mon supérieur, de M. le doyen de Blangermont que je devais aller me jeter. Je lui aurais dit : « Je ne suis plus en état de gouverner une paroisse, je n’ai ni prudence, ni jugement, ni bon sens, ni véritable humilité. Voilà quelques jours encore, je me permettais de vous juger, je vous méprisais presque. Dieu m’a puni. Renvoyez-moi dans mon séminaire, je suis un danger pour les âmes ! »

Il eût compris, lui ! Qui ne comprendrait d’ailleurs, ne serait-ce qu’à la lecture de ces pages misérables où ma faiblesse, ma honteuse faiblesse, éclate à chaque ligne ! Est-ce le témoignage d’un chef de paroisse, d’un