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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/255

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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

toutes ces finesses. Je suis un malheureux petit prêtre qui ne demande qu’à passer inaperçu. Si je fais des sottises, elles sont à ma mesure, elles me rendent ridicule, elles devraient faire rire. Est-ce qu’on ne pourrait pas aussi me laisser le temps de voir clair ? Mais quoi ! on manque de prêtres. À qui la faute ? Les sujets d’élite, comme ils disent, s’en vont chez les moines, et c’est à de pauvres paysans comme moi que revient la charge de trois paroisses ! D’ailleurs, je ne suis même pas un paysan, vous le savez bien. Les vrais paysans méprisent des gens comme nous, des valets, des servantes, qui changent de pays au hasard des maîtres, quand ils ne sont pas contrebandiers, braconniers, des pas grand’chose, des hors la loi. Oh ! je ne me prends pas pour un imbécile. Mieux vaudrait que je fusse un sot. Ni héros, ni saint, et même… » — « Tais-toi, m’a dit le curé de Torcy, ne fais pas l’enfant. »

Le vent soufflait dur, et j’ai vu tout à coup son cher vieux visage bleui par le froid. — « Entre là, je suis gelé. » C’était la petite cabane où Clovis met à l’abri ses fagots. — Je ne peux pas t’accompagner chez toi maintenant, de quoi aurions-nous l’air ? Et puis le garagiste, M. Bigre, doit me reconduire en voiture jusqu’à Torcy. Au fond, vois-tu, j’aurais dû rester quelques jours de plus à Lille, ce temps-là ne me vaut rien. » — « Vous êtes venu pour moi ! » lui dis-je. Il a d’abord haussé les épaules avec colère. — « Et l’enterrement ? D’ailleurs ça ne te regarde pas, mon