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Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/312

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JOURNAL

lorsque l’émeute a vaincu, nous la servons à son tour. Dispense de fidélité. À ce régime-là, nous sommes devenus des militaires. Et si parfaitement militaires que dans une démocratie accoutumée à toutes les servilités, celle des généraux-ministres réussit à scandaliser les avocats. Si exactement, si parfaitement militaires qu’un homme de grande race, comme Lyautey, a toujours repoussé ce nom infamant. Et d’ailleurs, il n’y aura bientôt plus de militaires. De sept à soixante ans tous… tous quoi ? au juste ?… L’armée même devient un mot vide de sens lorsque les peuples se jettent les uns sur les autres — les tribus d’Afrique quoi ! des tribus de cent millions d’hommes. Et le théologien, de plus en plus dégoûté, continuera de signer des dispenses — des formules imprimées, je suppose, rédigées par les rédacteurs du Ministère de la Conscience Nationale ? Mais où s’arrêteront-ils, entre nous, vos théologiens ? Les meilleurs tueurs, demain, tueront sans risque. À trente mille pieds au-dessus du sol, n’importe quelle saleté d’ingénieur, bien au chaud dans ses pantoufles, entouré d’ouvriers spécialistes, n’aura qu’à tourner un bouton pour assassiner une ville et reviendra dare-dare, avec la seule crainte de rater son dîner. Évidemment personne ne donnera à cet employé le nom de soldat. Mérite-t-il même celui de militaire ? Et vous autres, qui refusiez la terre sainte aux pauvres cabotins du dix-septième siècle, comment l’enterrerez-vous ? Notre profession est-elle