bruyante, ressemblait au saisissement de la joie. Elle me donnait des ailes.
J’ai trouvé cinq francs dans la poche de ma douillette. Je les avais mis là pour le chauffeur de M. Bigre, j’ai oublié de les lui donner. Je me suis fait servir du café noir et l’un de ces petits pains dont j’avais senti l’odeur. La patronne de l’estaminet s’appelle Mme Duplouy, elle est la veuve d’un maçon jadis établi à Torcy. Depuis un moment elle m’observait à la dérobée du haut de son comptoir, par-dessus la cloison de l’arrière-salle. Elle est venue s’asseoir auprès de moi, m’a regardé manger. « À votre âge, me dit-elle, on dévore. » J’ai dû accepter du beurre, de ce beurre des Flandres, qui sent la noisette. L’unique fils de Mme Duplouy est mort de la tuberculose et sa petite fille d’une méningite, à vingt mois. Elle-même souffre du diabète, ses jambes sont enflées, mais elle ne peut trouver d’acheteur à cet estaminet, où il ne vient personne. Je l’ai consolée de mon mieux. La résignation de tous ces gens me fait honte. Elle semble d’abord n’avoir rien de surnaturel, parce qu’ils l’expriment dans leur langage, et que ce langage n’est plus chrétien. Autant dire qu’ils ne l’expriment pas, qu’ils ne s’expriment plus eux-mêmes. Ils s’en tirent avec des proverbes et des phrases de journaux.
Apprenant que je ne reprendrais le train que ce soir, Mme Duplouy a bien voulu mettre à ma disposition l’arrière-salle. « Comme