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Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/120

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L’IMPOSTURE

— Laissez-moi tirer la conclusion, supplia Monseigneur.

Il enveloppa son auditoire d’un sourire irrésistible.

— Nous sommes ici entre amis. Le cœur se délivre (il appuya l’index sur un des boutons de sa soutane). Toutefois ne donnez pas à ma boutade un autre sens que moi. C’était une malice sans la moindre amertume, quelque chose comme une plaisanterie filiale… Nos prêtres, dans notre diocèse, s’en permettent sans doute sur nous de plus dures, conclut-il avec un sourire paternel.

Mais à l’autre extrémité du salon célèbre, le vicomte Lavoine de Duras, dressé sur les ergots, criait à l’oreille d’un grand garçon calamiteux, vert de rage :

— Nous ne voulons pas !… Nous n’admettons pas !… Il ne saurait être toléré !…

— Quoi donc ? demanda M. Guédou.

M. Jérôme me rapporte à l’instant une conversation inqualifiable, entendue à Florence, chez le prince Ruggieri. On parle de faire échouer la candidature de M. Cénabre à Institut par une nouvelle condamnation arrachée par surprise à la Congrégation de l’Index.

— Je n’approuve pas la mesure ! protestait M. Jérôme, livide.

— Vous n’approuvez pas, hurlait l’imbécile déchaîné, mais néanmoins vous la jugez fatale. C’est déjà là, si je ne m’abuse, une manière d’approbation.

— Je prends mes sûretés en vue du pire, monsieur le vicomte, dit Jérôme, décidément hors de lui. D’ailleurs le chanoine Cénabre est de taille à se défendre seul. Toutefois si pareil abus est inévitable, une mesure