Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
L’IMPOSTURE

menus essais où son indulgence ne voudra sans doute retenir que l’intention. Je n’ai rien à donner au public, sinon les humbles joies de ma vie domestique, et leur seule sincérité fait le prix de ces simples poèmes.

— J’attendais leur publication avec impatience, dit aimablement le prélat, reposant le livré sur ses genoux. On me l’avait d’ailleurs annoncée.

— J’ai écrit à ce sujet quelques lignes dans les Annales chrétiennes, soupira le lamentable Pernichon. Il est réconfortant pour nous tous, alors que la religion sert de prétexte à tant d’œuvres confuses, d’une qualité d’émotion si trouble, parfois impure…

Mais de nouveau l’impétueux vicomte jetait le gant :

— J’avoue mon incompétence, fit-il. Cependant qu’il me soit permis de dire que nous sommes submergés par une vague de mysticisme dont l’excès, la démesure, outre qu’elle est susceptible de décourager les bons esprits, surexcite le fanatisme antireligieux. Ce qu’on n’ose ouvertement reprocher à mon éminent ami Cénabre, c’est d’avoir écrit sur la sainteté des livres sages, accessibles aisément à tout homme cultivé, d’un intérêt passionnant, mais faits néanmoins pour contenter le philosophe et l’historien.

— Peut-être l’historien l’emporte-t-il parfois sur le philosophe, ou du moins sur le strict théologien, concéda Mgr Espelette, mais il faut tenir compte aussi de l’importance des positions prises par la critique rationaliste, et de la nécessité où nous nous sommes trouvés de nous mettre au pas, coûte que coûte. Car l’Église, là comme ailleurs, ne se doit laisser devancer par personne.

Il posa délicatement sur le guéridon son petit poing